mais, plus une mer est vaste et moins elle est profonde, plus les phénomènes des marées doivent être sensibles.
Dans une masse fluide, les impressions que reçoit chaque molécule se communiquent à la masse entière ; c’est par là que l’action du Soleil, qui est insensible sur une molécule isolée, produit sur l’Océan des effets remarquables. Imaginons un canal courbé sur le fond de la mer et terminé à l’une de ses extrémités par un tube vertical qui s’élève au-dessus de sa surface, et dont le prolongement passe par le centre du Soleil ; l’eau s’élèvera dans ce tube par l’action directe de cet astre, qui diminue la pesanteur des molécules qu’il contient, et surtout par la pression des molécules renfermées dans le canal, et qui font toutes un effort pour se réunir au-dessous du Soleil. Si la longueur du canal augmente, la somme de ces efforts sera plus grande, et il y aura plus de différence dans la direction et dans la quantité des forces dont les molécules extrêmes seront animées. Ces deux causes réunies élèveront l’eau à une plus grande hauteur dans le tube vertical. On voit, par cet exemple, l’influence de l’étendue des mers sur les phénomènes des marées, et la raison pour laquelle le flux et le reflux sont insensibles dans les petites mers, telles que la mer Noire et la mer Caspienne.
Si l’Océan a peu de profondeur, ses molécules doivent venir de fort loin, pour qu’il prenne la figure que l’action du Soleil tend à lui donner ; ses oscillations doivent donc croître lorsque sa profondeur diminue. Dans une mer très profonde, un très petit mouvement dans pes molécules suffit pour lui donner la figure avec laquelle elle serait à chaque instant en équilibre sous l’action du Soleil, en sorte que cette figure est la limite de celles que la mer prendrait, en augmentant de plus en plus sa profondeur. Ces vues générales sont conformes aux résultats que j’ai trouvés dans nos Mémoires pour l’année 1776 [1].
La grandeur des marées dépend encore des circonstances locales. Les ondulations de la mer, resserrées dans un détroit, peuvent devenir considérables ; la réflexion des eaux par les côtes peut les augmenter
- ↑ Œuvres de Laplace, T. IX.