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on s’expose à prendre pour loi de la nature ce qui n’est que l’effet d’une cause accidentelle. Jacques Cassini, par exemple, avait conclu, de la comparaison de quelques observations isolées, que les plus grandes marées des syzygies ont lieu, toutes choses égales d’ailleurs, dans les équinoxes. M. de la Lande, en suivant le même procédé, a trouvé le contraire. On verra ci-après que les résultats d’un grand nombre d’observations ne laissent aucun lieu de douter qu’à Brest les plus grandes marées des syzygies et les plus petites marées des quadratures arrivent dans les équinoxes, et que, en général, les déclinaisons du Soleil et de la Lune ont une influence très sensible sur les hauteurs et sur les intervalles des marées.

Voici maintenant un précis des résultats auxquels je suis parvenu dans cet Ouvrage.

Considérons d’abord l’action seule du Soleil sur la mer, et supposons que cet astre se meut uniformément dans le plan de l’équateur. Il est visible que, si le Soleil animait de forces égales et parallèles le centre de gravité de la Terre et toutes les molécules de la mer, le système entier du globe terrestre et des eaux qui le recouvrent obéirait à ces forces d’un mouvement commun, et l’équilibre de la mer ne serait pas troublé. Cet équilibre ne peut donc être altéré que par la différence de ces forces et par l’inégalité de leurs directions. Une molécule de la mer placée au-dessous du Soleil en est plus attirée que le centre de la Terre ; elle tend ainsi à se séparer de sa surface, mais elle y est retenue par sa pesanteur, que cette tendance diminue. Douze heures après, la molécule se trouve en opposition avec le Soleil, qui l’attire plus faiblement que le centre de la Terre ; la surface du globe terrestre tend donc à s’en séparer, mais la pesanteur de la molécule l’y retient encore attachée. Cette force est donc encore diminuée par l’action solaire, et il est facile de s’assurer que la distance du Soleil à la Terre étant fort grande relativement au rayon du globe terrestre, la diminution de pesanteur est, dans ces deux cas, à très peu près la même. Une simple décomposition de l’action du Soleil sur les molécules de la mer suffit pour voir que, dans toute autre position de cet astre par rapport