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sont une suite aussi nécessaire que les révolutions du Soleil. Nous les attribuons au hasard, parce que nous ignorons les causes qui les produisent et les lois qui les enchaînent aux grands phénomènes de l’univers ; ainsi l’apparition et le mouvement des comètes, que nous savons aujourd’hui dépendre de la même loi qui ramène les saisons, étaient regardés autrefois comme l’effet du hasard par ceux qui rangeaient ces astres parmi les météores. Le mot hasard n’exprime donc que notre ignorance sur les causes des phénomènes que nous voyons arriver et se succéder sans aucun ordre apparent.

La probabilité est relative en partie à cette ignorance, en partie à nos connaissances. Nous savons, par exemple, que sur trois, ou un plus grand nombre d’événements, un seul doit exister ; mais rien ne porte à croire que l’un d’eux arrivera plutôt que les autres. Dans cet état d’indécision, il est impossible de prononcer avec certitude sur leur existence. Il nous parait cependant probable qu’un de ces événements, pris à volonté, n’existera pas, parce que nous voyons plusieurs cas également possibles qui excluent son existence, tandis qu’un seul la favorise.

La théorie des hasards consiste donc à réduire tous les événements qui peuvent avoir lieu relativement à un objet, dans un certain nombre de cas également possibles, c’est-à-dire tels que nous soyons également indécis sur leur existence, et à déterminer le nombre des cas favorables a l’événement dont on cherche la probabilité. Le rapport de ce nombre à celui de tous les cas possibles est la mesure de cette probabilité.

Tous nos jugements sur les choses qui ne sont que vraisemblables sont fondés sur un pareil rapport : la différence des données que chaque homme a sur elles et les erreurs que l’on commet en évaluant ce rapport donnent naissance à cette foule d’opinions que l’on voit régner sur les mêmes objets ; les combinaisons en ce genre sont si délicates et les illusions si fréquentes, qu’il faut souvent une grande attention pour échapper à l’erreur.

La théorie des hasards offre un grand nombre d’exemples, dans les-