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Dans les Mémoires de l’Académie pour l’année 1777, page 597, M. Lavoisier a été conduit à un résultat semblable par sa théorie générale de la formation des airs et des vapeurs. Suivant cette théorie, l’air pur, l’air fixe et généralement tous les airs et toutes les vapeurs doivent leur état aériforme à la grande quantité de chaleur qui y est combinée ; l’air pur parait surtout la renfermer en grande abondance ; il l’abandonne presque en entier lorsqu’il passe à l’état concret dans la calcination des métaux et dans les combustions du soufre, du phosphore, etc., mais il en retient une partie considérable, dans l’état d’air fixe.

L’absorption de l’air pur par l’air nitreux fait une exception à cette théorie générale des combinaisons de l’air pur : la quantité de chaleur dégagée dans cette combinaison particulière est très petite et incomparablement moindre que celle qui se développe dans l’absorption d’un pareil volume d’air pur par le phosphore ; il faut donc supposer dans l’acide nitreux, et conséquemment dans le nitre, une grande quantité de chaleur combinée qui doit reparaître tout entière dans la détonation de cette substance, et c’est, en effet, ce que donne l’expérience.

En distillant le nitre, M. Berthollet est parvenu à convertir en air pur presque tout l’acide nitreux qu’il renferme. Ce savant chimiste a de plus observé que, dans la détonation du nitre avec le charbon, une grande partie de son acide se change en air fixe. Or une once de nitre renferme environ gros d’acide nitreux ; en supposant donc que cet acide soit tout air pur et qu’il soit en entier converti en air fixe, on trouve, d’après les résultats précédents sur la combustion du charbon, qu’une once de nitre, en détonant avec le charbon, doit fondre onces de glace : l’expérience ne nous a donné que onces de glace fondue ; mais, si l’on fait attention à l’incertitude des éléments dont nous sommes parti et aux erreurs inévitables dans les expériences, on verra qu’il n’est pas possible d’espérer un plus parfait accord entre ces résultats. On peut donc ainsi concevoir le phénomène de la détonation du nitre : l’air pur renfermé dans cette sub-