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dans la production du premier de ces effets, comme dans celle des deux autres, il y a une quantité de chaleur qui s’absorbe, et qui, par conséquent, cesse d’être sensible au thermomètre ; mais, le passage d’un corps à ses divers états de dilatation se faisant par des nuances insensibles, on ne peut connaître les quantités de chaleur ainsi absorbées que par les accroissements de sa chaleur spécifique ; il est donc très probable que les chaleurs spécifiques des corps augmentent avec leur température, mais suivant des lois différentes pour chacun d’eux, et dépendantes de leur constitution particulière, ce qui est une nouvelle raison de rejeter le principe qui suppose les quantités absolues de chaleur proportionnelles aux chaleurs spécifiques.

Le passage des corps d’un état à un autre par l’action de la chaleur doit présenter des phénomènes très singuliers, qui tiennent aux lois de l’équilibre de la chaleur, et sur lesquelles nous allons faire ici quelques réflexions.

Dans un système de corps animés par des forces quelconques, il y a souvent plusieurs états d’équilibre ; ainsi un parallélépipède rectangle soumis à l’action de la pesanteur sera en équilibre siir chacune de ses laces. On peut l’y concevoir encore en le posant sur un de ses angles, pourvu que la verticale qui passe par son centre de gravité rencontre le sommet de cet angle ; mais cet état d’équilibre diffère des précédents, en ce qu’il n’est point ferme, la plus légère secousse suffisant pour le détruire. Il en est de même de l’équilibre du parallélépipède sur une de ses faces, si elle est extrêmement petite relativement aux autres ; cela posé :

Imaginons en contact deux corps de température différente, et faisons abstraction des autres corps qui peuvent augmenter ou enlever leur chaleur ; il est visible que la chaleur ne peut se mettre en équilibre que d’une seule manière, savoir, en se répandant dans les deux corps, de sorte que leur température soit la même ; mais si, par une augmentation ou par une diminution de chaleur, les corps peuvent changer d’état, il existe alors plusieurs états d’équilibre de la chaleur. Pour le faire voir, considérons une livre d’eau dont toutes les