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que, dans un système de corps qui agissent les uns sur les autres, d’une manière quelconque, la force vive, c’est-à-dire la somme des produits de chaque masse par le carré de sa vitesse, est constante. Si les corps sont animés par des forces accélératrices, la force vive est égale à ce qu’elle était à l’origine du mouvement, plus à la somme des masses multipliées par les carrés des vitesses dues à l’action des forces accélératrices. Dans l’hypothèse que nous examinons, la chaleur est la force vive qui résulte des mouvements insensibles des molécules d’un corps ; elle est la somme des produits de la masse de chaque molécule par le carré de sa vitesse.

Si l’on met en contact deux corps dont la température soit différente, les quantités de mouvement qu’ils se communiqueront réciproquement seront d’abord inégales ; la force vive du plus froid augmentera de la même quantité dont la force vive de l’autre diminuera, et cette augmentation aura lieu jusqu’à ce que les quantités de mouvement communiquées de part et d’autre soient égales ; dans cet état, la température des corps sera parvenue à l’uniformité.

Cette manière d’envisager la chaleur explique facilement pourquoi l’impulsion directe des rayons solaires est inappréciable, tandis qu’ils produisent une grande chaleur. Leur impulsion est le produit de leur masse par leur simple vitesse ; or, quoique cette vitesse soit excessive, leur masse est si petite que ce produit est presque nul ; au lieu que, leur force vive étant le produit de leur masse par le carré de leur vitesse, la chaleur qu’elle représente est d’un ordre très supérieur à celui de leur impulsion directe. Cette impulsion sur un corps blanc qui réfléchit abondamment la lumière est plus grande que sur un corps noir, et cependant les rayons solaires communiquent au premier une moindre chaleur, parce que ces rayons, en se réfléchissant, emportent leur force vive qu’ils communiquent au corps noir qui les absorbe.

Nous ne déciderons point entre les deux hypothèses précédentes ; plusieurs phénomènes paraissent favorables à la dernière : tel est, par exemple, celui de la chaleur que produit le frottement de deux corps