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on a même déterminé les rapports des capacités de plusieurs substances pour contenir la chaleur, et comme, à la surface de la terre, les corps même les plus froids n’en sont pas entièrement privés, on a cherché à connaître les rapports de la chaleur absolue, à ses variations indiquées par les degrés du thermomètre ; mais toutes ces déterminations, quoique fort ingénieuses, sont fondées sur des hypothèses qui demandent encore à être vérifiées par un grand nombre d’expériences.

Avant que d’aller plus loin, il importe de fixer d’une manière précise ce que nous entendons par ces mots : chaleur libre, capacité de chaleur ou chaleur spécifique des corps.

Les physiciens sont partagés sur la nature de la chaleur ; plusieurs d’entre eux la regardent comme un fluide répandu dans toute la nature et dont les corps sont plus ou moins pénétrés, à raison de leur température et de leur disposition particulière à le retenir ; il peut se combiner avec eux, et, dans cet état, il cesse d’agir sur le thermomètre et de se communiquer d’un corps à l’autre ; ce n’est que dans Tétat de liberté, qui lui permet de se mettre en équilibre dans les corps, qu’il forme ce que nous nommons chaleur libre.

D’autres physiciens pensent que la chaleur n’est que le résultat des mouvements insensibles des molécules de la matière. On sait que les corps, même les plus denses, sont remplis d’un grand nombre de pores ou de petits vides, dont le volume peut surpasser considérablement celui de la matière qu’ils renferment ; ces espaces vides laissent à leurs parties insensibles la liberté d’osciller dans tous les sens, et il est naturel de penser que ces parties sont dans une agitation continuelle qui, si elle augmente jusqu’à un certain point, peut les désunir et décomposer les corps ; c’est ce mouvement intestin qui, suivant les physiciens dont nous parlons, constitue la chaleur.

Pour développer cette hypothèse, nous observerons que, dans tous les mouvements dans lesquels il n’y a point de changement brusque, il existe une loi générale que les géomètres ont désignée sous le nom de principe de la conservation des forces vives ; cette loi consiste en ce