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oscillations incomparablement plus grandes et très-différentes de celles que l’on y observe ; la pesanteur de la Terre vers le Soleil est donc le résultat des pesanteurs de toutes ses molécules, qui par conséquent attirent le Soleil en raison de leurs masses respectives. D’ailleurs, chaque corps sur la Terre pèse vers son centre, proportionnellement à sa masse ; il réagit donc sur elle, et l’attire suivant le même rapport. Si cela n’était pas, et si une partie quelconque de la Terre, quelque petite qu’on la suppose, n’attirait pas l’autre partie comme elle en est attirée, le centre de gravité de la Terre serait mû dans l’espace en vertu de la pesanteur, ce qui est impossible.

Les phénomènes célestes, comparés aux lois du mouvement, nous conduisent donc à ce grand principe de la nature, savoir, que toutes les molécules de la matière s’attirent mutuellement en raison des masses, et réciproquement au carré des distances. Déjà l’on entrevoit dans cette gravitation universelle la cause des perturbations que les corps célestes éprouvent ; car, les planètes et les comètes étant soumises à leur action réciproque, elles doivent s’écarter un peu des lois du mouvement elliptique, qu’elles suivraient exactement, si elles n’obéissaient qu’à l’action du Soleil. Les satellites, troublés dans leurs mouvements autour de leurs planètes par leur attraction mutuelle et par celle du Soleil, s’écartent pareillement de ces lois. On voit encore que les molécules de chaque corps céleste, réunies par leur attraction, doivent former une masse à peu près sphérique, et que la résultante de leur action à la surface du corps doit y produire tous les phénomènes de la pesanteur. On voit pareillement que le mouvement de rotation des corps célestes doit altérer un peu la sphéricité de leur figure, et l’aplatir aux pôles, et qu’alors, la résultante de leurs actions mutuelles ne passant point exactement par leurs centres de gravité, elle doit produire dans leurs axes de rotation des mouvements semblables à ceux que l’observation y fait apercevoir. Enfin, on entrevoit que les molécules de l’océan, inégalement attirées par le Soleil et la Lune, doivent avoir un mouvement d’oscillation pareil au flux et au reflux de la mer. Mais le développement de ces divers effets de la pesanteur universelle exige une pro-