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d'un conducteur électrolytique peuvent effectivement donner lieu à une polarisation, ce qui revient au même, comme le remarque Nernst. Le fait a été démontré en 1890 par Ostwald. Une membrane de parchemin est interposée entre une solution de ferrocyanure de potassium et une solution de sulfate de cuivre; il se forme dans son sein un dépôt de ferrocyanure de cuivre ; on établit de part et d'autre une différence de potentiel d'environ deux volts; l'intensité primitive du courant décroît peu à peu jusqu'au quart environ, valeur à laquelle elle demeure indéfiniment constante ; la force électromotrice supprimée, une force contre-électromotrice se révèle; nous avons donc bien polarisation et décharge de la polarisation ; tous les phénomènes s'expliquent si on admet que l'ion potassium d'une solution et l'ion SO(4) de l'autre peuvent traverser la membrane, tandis que l'ion Fe(CN)(6) et l'ion cuivre sont arrêtés. En effet, on peut observer un dépôt de cuivre métallique sur la face de la membrane tournée vers l'anode.

J'ai pensé qu'on pouvait rendre compte de tout ce que nous observons dans l'excitation électrique en étudiant la polarisation des membranes suivant la conception d'Ostwald, peu différente de celle de Nernst. Soit un conducteur formé par une solution d'électrolytes divers; interrompons ce conducteur par un diaphragme formé d'une membrane perméable à certains ions (ions I), imperméable (ou beaucoup plus lentement perméable) à certains autres (ions II). S'il y a une différence de potentiel maintenue constante entre les deux extrémités du conducteur, une certaine intensité du courant sera transportée par les ions I, les ions II viendront s'accumuler jusqu'à une certaine limite sur les deux faces de la membrane, les cations sur la face tournée vers le potentiel le plus élevé, les anions sur l'autre face. II est probable qu'il se passera là des phénomènes complexes, diffusion lente des ions II dans l'épaisseur de la membrane, peut-être combinaison avec la substance même de la membrane (teinture électrique), etc. Nous pouvons, malgré ces phénomènes secondaires, traiter en première approximation la polarisation des membranes comme une polarisation quelconque. La polarisation des électrodes métalliques présente aussi des phénomènes secondaires qui paraissent maintenant beaucoup plus voisins de ceux-là qu'on ne l'aurait pensé il y a quelques années. Les physiciens admettent « avec Berthelot et Bouty, qu'aucune électrode n'est rigoureusement inattaquable ou imperméable aux produits de l'électrolyse (Edmond ROTHÉ, thèse de la Faculté des Sciences de Paris, numéro 1148, 1904) ». Les corrections doivent être étudiées pour chaque cas particulier. Dans les nerfs, outre que la membrane nous est encore peu connue (malgré les recherches récentes qui montrent le rôle des lipoïdes), les électrolytes sont multiples et englobés dans un milieu rendu très visqueux par des colloïdes divers; les sels de chaux jouent probablement un rôle spécial ; la gaine de myéline, quand elle existe, doit avoir une grosse influence. C'est donc un cas très complexe. Néanmoins, la première approximation peut toujours être rapportée, ni plus ni moins que pour des électrodes métalliques, à une charge de condensateur. Il faudra seulement ne pas oublier que ce ne sera là qu'une approximation. La charge d'un condensateur ayant une fuite, voilà le schéma auquel, en première