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Généralisation.

Ce pigment est loin d’être rare. Même les accumulations énormes comme celle qui m’a servi de point de départ, sans être nombreuses par rapport au nombre des autopsies, se trouvent assez facilement dans une grande ville quand on les cherche. Dans l’année 1896-1897, à la suite de notre travail, divers médecins des hôpitaux, MM. Maurice Letulle, Albert Brault, Parmentier, Édouard Jeanselme, etc. en publièrent une demi-douzaine de cas, où, comme dans le nôtre, le pigment était assez abondant pour se révéler à l’œil nu sans addition d’aucun réactif. M. Claudius Regaud en signala trois cas à Lyon. Sur les pièces qui me furent remises par ces Messieurs, je trouvai comme teneurs du foie en fer de 3 à 10 p. 1000 des poids frais. (Je rappelle que la moyenne est 0,23. J’avais jusque-là relevé dans la science quatre observations seulement d’une teneur supérieure à 2 toutes quatre en Allemagne.) Le fer de la rate variait de 2 à 4 p. 1000. Mais quand on cherche au microscope la rubigine, on la trouve beaucoup plus souvent. Cette recherche est très facile, il suffit de dissocier un fragment de tissu dans de la soude étendue et froide ; tous les éléments deviennent très transparents, et la rubigine, si elle existe, devient au microscope très apparente ; elle présente, sans l’addition des réactifs du fer, un aspect parfaitement caractéristique ; ce sont de petites sphérules réfringentes et colorées en jaune. Avec Guillemonat, sur cinquante-trois cas examinés, nous l’avons trouvée sept fois.

Aussi, ce pigment avait été bien souvent rencontré par les histologistes, mais on n’en avait pas déterminé la véritable nature. En France, on l’appelait généralement pigment ocre après Engel et Kiener qui en ont décrit les apparences microscopiques avec une grande netteté, si bien que je puis identifier avec certitude leur pigment avec la rubigine. En Allemagne, on disait hémosidérine, mais en confondant sous ce nom tout ce qui dans les tissus noircissait par le sulfhydrate. En 1882, un chimiste, Kunkel, faisant l’analyse d’un ganglion certainement infiltré de rubigine, avait bien, à cause de l’énorme proportion de fer de l’ensemble du tissu, avancé que les granulations brunes devaient être de l’hydrate ferrique, mais il n’avait pas isolé le pigment. Son opinion était considérée comme peu fondée par Neumann lui-même, le créateur du mot hémosidérine (1). D’autre part, Nasse, en 1889, avait essayé d’isoler un pigment brun ferrugineux très fréquent dans la rate des vieux chevaux ; il était arrivé à la conclusion que ce pigment était constitué par une combinaison d’albumine et de fer. J’ai vérifié que ce pigment de la rate des vieux chevaux est bien de la rubigine ; c’est même là qu’il est le plus commode d’aller la chercher quand on veut en préparer.

(1) « Il apparaît donc que le pigment ferrugineux n’est pas un corps de composition chimique constante, et, en tout cas, il est difficile de le considérer comme constitué par de l’hydrate d’oxyde de fer. » (Archives de Rudolf Virchow, t. 111, p. 27, 1888)