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qui est presque négligeable, soit des teneurs en fer des organes qui est à peu près invariable. Dans les conditions ordinaires de la vie, il se produit journellement (tous les physiologistes sont d’accord là-dessus) une destruction de globules rouges, vieillis ou altérés de quelque manière, et qui sont remplacés par des globules jeunes. Mais la rénovation étant égale à la destruction, si c’est le même fer qui passe des molécules d’hémoglobine détruites dans les molécules reconstruites, il est évidemment difficile, même impossible, de saisir ce fer au moment de sa désintégration et avant son réemploi. Il a fallu modifier ce bilan du fer par l’expérimentation, soit par la saignée (déficit), soit par l’injection d’hémoglobine (excédent). Pour ce dernier cas, nous avons reconnu la mise en jeu, suivant les conditions, de deux mécanismes distincts. Que se passe-t-il dans l’hématolyse normale? Il y avait intérêt, m’a-t-il semblé, pour cette question physiologique importante, à pousser plus avant l’étude de la cirrhose pigmentaire qui présente une si incroyable déviation du bilan du fer. (Le sujet qui a servi de point de départ à mes recherches avait en dépôt dans son foie soixante fois plus de fer qu’un homme normal ; c’est-à-dire que ce dépôt, au lieu de correspondre à un dixième à peu près du fer du sang, représentait six fois la totalité de ce fer.)

Je fis faire dans cette direction quelques expériences par M. L. Meunier [Thèse citée]. Il trouva d’abord, ce qui est en accord avec la conception du circulus interne du fer, que les hémorragies internes ne conduisent nullement vers de telles accumulations. L’hémorragie interne expérimentale consisterait à faire couler d’une artère du sujet une certaine quantité de sang dans le péritoine (par exemple) du même sujet ; mais si l’on tient à éviter de faire passer et séjourner ce sang par un récipient où on pourrait le mesurer, on n’a que des notions quantitatives vagues sur la saignée produite. Sur mes conseils, M. Meunier effectua des transfusions péritonéales sur la balance, comme je l’ai indiqué page 22, et immédiatement après une saignée équivalente. Dans ces conditions, des doses de 50 et 60 grammes par kilogramme, en deux ou trois opérations, produisent une toute petite quantité de rubigine, mais le fer des organes ne montre aucun enrichissement appréciable. Je l’engageai ensuite à examiner l’action des poisons globulaires, par exemple de la toluylène-diamine, qui avait donné notamment à Engel et Kiener en France, Stadelmann en Allemagne, la production de pigment ocre, de eisenhaltige Körner, c’est-à-dire de rubigine, d’après l’identité des caractères histologiques. M. Meunier obtint en effet, chez le chien, une certaine accumulation de rubigine dans les organes ; et à l’inverse de ce qui se passe quand on injecte du sang pur, mais comme dans la cirrhose pigmentaire, l’accumulation de fer est plus marquée dans le foie que dans la rate. Nous avions donc là un moyen de nous rapprocher des conditions pathogéniques de la cirrhose pigmentaire.