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SUR LA BRANCHE

ments, je suis tentée de rentrer à Paris, de me terrer dans mon appartement de l’hôtel de Castiglione, et de n’en plus sortir. En apparence, rien ne s’y oppose, mais je sais bien que mes amis de Vouvray, les de Lusson, Josée, Guy, le vœu de Colette, mon propre désir d’achever mon œeuvre, ne sont que les médiums de la volonté providentielle qui m’envoie en Touraine. Il y a en moi, cependant, une obscure résistance. Ce petit voyage m’effraie, je ne suis pas suffisamment reposée probablement. Et puis, je regrette mon hôtesse, cette demeure qui a vraiment été « le bon gîte » ; ma grande chambre pleine de lumière. Je regrette Jean-Jean, le chat et ses jolis ronrons, Jeannette, l’ânesse qui m’a promenée avec tant de patience et de philosophie, qui me saluait toujours d’un joyeux braiement. A quoi servent les regrets ? A faire de la vie, j’imagine… Faisons-en ! Si les soirs de Porte-Joie sont mélancoliques, les aubes sont radieuses. J’ai voulu en jouir une dernière fois. Ce matin, j’ai ouvert ma fenêtre avant six heures, et je suis restée toute saisie de la beauté du tableau qui a frappé mon regard. Le soleil venait de se lever au-dessus du coteau d’Herqueville, le ciel était absolument pur, la Seine vermeille et sans un remous. Dans l’air tranquille, d’une transparence rosée, des centaines d’hirondelles formaient un tourbillon vivant, décrivaient des cercles au-dessus du jardin, autour des arbres, du clocher, s’effleuraient du bec comme pour échanger un mot d’ordre. Cela dura cinq minutes, et puis les vis SUR LA BRANCHE s’élever très haut, disparaître, et elles laissèrent du silence derrière elles ! Chères petites sœurs ! Elles sont envoyées bien loin ! Leur mission est là-bas… en