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SUR LA BRANCHE

mieux compris et mieux traités qu’autrefois. On le devine, du reste, à leur douceur. Je me suis arrêtée souvent pour dire un mot d’amitié aux belles vaches normandes, aux jolies génisses, et toutes ont paru sensibles à la caresse de ma voix. Je suis très bien avec un troupeau d’oies, qui chaque matin, prend ses ébats dans la Seine et fait sa toilette sur l’herbe de la berge. Le premier jour, ma vue l’a alarmé, le second jour, il m’a regardée avec tolérance, et maintenant il me connaît parfaitement, Comme tout cela a été bon et reposant, après la saison d’Aix-les-Bains ! Je dois cependant dire que Porte-Joie ne justifie pas son nom. Il est idéalement joli, mais n’a rien d’exhilarant, il est même curieusement froid. Bâti au bord du fleuve, il n’a aucune profondeur, et s’étend en long seulement. Ses fermes n’ont pas le pittoresque des vieilles habitations de paysans. Ce sont des maisons neuves, d’aspect bourgeois, avec des fumiers et des basses-cours. L’école communale est laide comme partout. Ensuite, Porte-Joie n’est pas croyant, encore moins pratiquant. Dimanche, à la messe, il y avait cinq personnes, dont un homme, ajouterait Footit. Il n’y a donc pas de prêtre résident. Le presbytère est loué à des employés du chemin de fer ; la vieille église, qui tourne son chevet à la Seine, est fermée toute la semaine. Son clocher muet me somme ni l’Angelus ni les fêtes. On dirait que, dans ce coin du monde, on ne naît pas, on ne se marie pas et on ne meurt pas. Les paysans ont des physionomies dures, hostiles même. Ils ne saluent pas l’étranger, comme font ceux de la Touraine ; sur les routes de cette plaine normande, on rencontre de beaux gars aux yeux bleus, aux traits nettement mo-