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SUR LA BRANCHE

et grosse ânesse de curé. Aussitôt dans cet espace libre de la grande campagne, je me suis sentie pénétrée de repos et de bien-être. La maison, précédée de ce qu’on appelle une cour normande, une prairie plantée de pommiers, — m’a fait une agréable impression avec sa véranda frangée de vigne vierge, ses murs tapissés d’arbustes et de fruits. L’intérieur en est très sympathique. Pas de salon prétentieux, mais un atelier clair et gai, ouvrant ses larges baies sur la Seine. Ici et là, un morceau de sculpture, un tableau, une tapisserie, un arrangement de fleurs y révèlent l’artiste. Dans ma chambre, longue comme une galerie, j’ai la lumière du matin, du midi et du soir. Par ses cinq fenêtres, ma vue embrasse presque tout l’horizon, de la jolie plage d’Herqueville, sur l’autre rive du fleuve, jusqu’aux collines qui bornent la plaine. En bas, j’ai un jardin plein de roses, en face, le clocher de la vieille église et, tout près, un arbre peuplé de fauvettes à tête noire, de mésanges, de chardonnerets qui me donnent la joie de leur petite vie. J’ai éprouvé un plaisir enfantin à voir les bateaux de la Compagnie de Navigation monter et redescendre la Seine et je ne me suis pas lassée d’admirer la netteté de leur arrimage. Il y a longtemps que je n’avais été à pareille fête.

Mon hôtesse, très occupée, très discrète aussi, m’a laissée libre d’errer à ma fantaisie. J’ai fait de longues promenades sur la berge et à travers la plaine, buvant avec délices cet air vif et doux qui semble avoir été préparé pour mes poumons. En route, j’ai eu des bouts de conversations drôles, avec de vieilles paysannes, et j’ai constaté, non sans plaisir, que les animaux sont