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éditeurs, rédacteurs ne savent pas encore, au xxe siècle, ce qu’est un manuscrit. S’ils s’en doutaient, ils le manieraient comme un saint-sacrement.

En tout cas mon roman fut lu, — il aurait pu ne pas l’être, — il fut lu, accepté, publié en feuilletons, puis en volume. Son succès me fit pressentir que Jean Noël pourrait bien prolonger ici-bas l’existence de madame de Myères. Je n’en vois pas la nécessité, mais la Providence la voit probablement.

J’écrivis un second roman. L’appréciation favorable du premier par un académicien qui aime les Lettres d’un amour désintéressé et se plaît à signaler les œuvres de quelque mérite, m’ouvrit les pages d’une de nos meilleures Revues. Mon amie mourut avant l’apparition de ce nouveau volume, qu’elle avait particulièrement aimé. Le jour même de sa publication, quelque chose de curieux se produisit. J’étais venue faire visite à sa mère que j’attendais dans la chambre même, où nous avions si souvent communié ensemble. C’était au mois d’avril, vers la fin d’une belle journée. Il y avait autour de moi un silence de crépuscule. J’évoquai sa douce figure de madone aux yeux noirs, sa silhouette élégante et je regrettai qu’elle ne fût plus là. Soudain, dans l’air tranquille, sans qu’une feuille des arbres de la cour remuât, une onde de vent… extraordinairement doux, entra par la fenêtre ouverte, m’enveloppa et sembla ressortir. Je tressaillis, mon cœur battit. J’eus l’idée instantanée que cette manifestation venait d’elle. Cette impression m’est restée… Sait-on ? Ah ! sait-on ?

Je viens d’achever mon troisième roman. J’en ai recommencé la copie. Pendant ces cinq dernières