Page:Laperche - Sur la branche.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
SUR LA BRANCHE

séculaire, à une âme affaiblie. Il faut perforer, étayer, abattre, reconstruire avec des précautions infinies, introduire des ressorts nouveaux et dans l’immeuble et dans le cerveau. Les bois, les pierres crient, l’intellect proteste, mais l’œuvre inéluctable s’accomplit : bains, ascenseurs, électricité, tuyaux, fils, trouvent place dans les vieux murs. Un idéal nouveau prend possession du cerveau, et le monde a marché. J’étais présente, lorsqu’à l’hôtel, on a fermé le compteur à gaz pour admettre la jeune et brillante humière moderne, et en voyant ceci tuer cela, je n’ai pas pu me défendre d’un serrement de cœur. Dame ! je suis parmi les « cela » maintenant.

Paris.

La connaissance de trois langues a fait de moi une cosmopolite. C’est à la fois un bonheur et un malheur d’être cosmopolite. Les facultés se développent davantage, mais l’âme garde les caractéristiques de sa race, le cœur reste de son pays, de son clocher même. On inspire de la méfiance à ses compatriotes, de l’envie aussi. On se heurte à leurs idées stationnaires, à leurs préjugés. On ne les comprend plus, et au milieu d’eux, on éprouve toujours une pénible sensation d’isolement. Que l’on puisse prendre le germe du cosmopolitisme dans une petite ville de province paraîtra invraisemblable. Cela a été pourtant. La Providence amène de loin, quelquefois, les éléments dont elle a besoin pour les destinées humaines. Une Anglaise fit son apparition dans la société de Bourg. Il n’y en avait jamais