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SUR LA BRANCHE

surtout, c’est cette grande malle, barrée de rouge et de bleu, marquée de mes initiales, chevronnée d’étiquettes qui me rappellent que je suis une nomade. Je la fais et je la défais avec un égal plaisir. Elle renferme tout ce qui est nécessaire à ma vie simplifiée. Dans un de ses compartiments se trouve même ma dernière toilette, ma robe de cercueil, les souliers dont on doit me chausser. Qui donc aurait de la coquetterie pour moi ? Chère malle. En mourant, je la regretterai plus qu’un palais et l’idée qu’un jour des mains étrangères farfouilleront dedans, disperseront son contenu, m’est très désagréable.

Hier, en promenant les yeux autour de moi, je n’ai pu m’empêcher de sourire. Sur la cheminée une statuette de Saint-Antoine de Padoue, le don d’une amie très pieuse, au mur un fer de cheval, le gui de la Noël dernière, le buis de Pâques. Des gris-gris, des fétiches, des symboles comme sous la hutte ancestrale, c’est très curieux. Je sais qu’ils ne me porteront pas bonheur, qu’ils ne me préserveront d’aucun mal, mais ils sont là.

L’hôtel que j’habite, comme toutes les maisons du quartier, date du premier Empire. Pour introduire les ressorts nécessaires à la vie moderne dans une construction d’une autre époque, il faut vraiment des prodiges d’ingéniosité. J’ai assisté à cette évolution de l’habitation humaine. Elle m’a singulièrement intéressée. Dans l’ordre matériel, elle reproduit l’évolution de l’esprit. Les procédés se ressemblent d’une manière frappante. Ici, l’ouvrier rencontre un mur trop gros, une cloison trop mince, une poutre trop vieille ; là, la science se heurte à un préjugé ancien, à une croyance