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SAINT-OLAF. m8

prétant au ridicule, je mis mon chapeau et je sortis pour assister a ce service en plein air. Au beau mi- lieu de l’avenue, entouré d’une vingtaine de per- sonnes, un jeune homme, habillé par le bon faiseur, —- un gentleman en apparence, avec des traits fins el des yeux de ce bleu particulier aux idéalistes et aux criminels — la main gauche derriére le dos, la droite tenant sa canne et son chapeau, allait et venait sur une longueur de quelques métres. Il parlait de la bonté du Christ, de notre rachat. « Le sang de Jésus... le sang de Jésus », ces mots rythmaient curieusement les périodes de son sermon et reve- naient comme un refrain. On !’écoutait sans lombre d’un sourire, les regards demeuraient rivés 4 ses lévres. Son discours terminé, la foule se dispersa lentement. Les hommes s’éloignérent, les mains dans les poches, la téte un peu baissée, comme si leurs cerveaux eussent porlé quelques pensées de plus. Madame Baring m’apprit que ce jeune homme était le fils du propriétaire d’une des plus belles villas de Wimbledon; son pére et lui sont extrémement religieux et charitables. Pendant tout l’été, parait-il, ils donnent des « garden-parties » aux pauvres.

Un sermon préché en pleine rue par un gentleman et écouté respectueusement... & quarante-cing mi- nutes de Londres, il y avait de quoi étonner une Frangaise ! Quelle différence cela marque entre le caractére anglais et le ndtre, et de queile liberté cela témoigne !

La liberté! Le mot n’est écrit nulle part ici, mais on a la sensation de la chose, — et cette chose semble élargir l’espace devant vous. Elle fait pa-

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