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L'ILE INCONNUE.


exemple, on va maintenant à l'église avec des toques, avec de flamboyants chapeaux ronds. Le chapeau fermé n'est plus porté que par les représentantes directes de la Vieille Angleterre. Ce chapeau du dimanche, si particulièrement laid, de couleur claire, orné de fleurs ou de plumes, a un air intransigeant, respectable, qui m'impose toujours. Celui de nos dévotes n'est pas plus beau; mais sa couleur est sombre, sa simplicité le rend moins agressif. Tous deux sont bien typiques. On comprend qu'il serait impossible, non pas de tourner les têtes qu'ils coiffent — cela ne tenterait personne — mais de changer leurs idées.

Cette évolution, que l’on sent dans l'atmosphère morale, n'a pas encore sensiblement diminué l'ardeur religieuse chez nos voisins. En Angleterre, si les cellules de la spiritualité n'entrent en activité qu'une fois par semaine, elles y entrent avec frénésie. On prêche, on prie, non seulement dans les églises, mais sur les places publiques. On v traîne des pianos, des orgues, on y chante des hymnes. Des hommes, des femmes du peuple, mus on ne saurait dire par qui ou par quoi, se mettent tout à coup à parler de Dieu, à dénoncer le mal, à exhorter au bien et ils le font avec des mots extraordinaires, des visages transfigurés, comme si le charbon sacré eût touché leurs lèvres. Ce phénomène m'intéresse toujours. Il suffit, selon moi, à prouver la suggestion de l'invisible.

Dimanche dernier, vers deux heures, j'entendis tout à coup, venant du dehors, une voix de prêcheur. En dépit de mon amie qui, par amour-propre patriotique, n'aime pas que je sois témoin de scènes