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L’ÎLE INCONNUE.

Dans une de mes visites à la campagne, la petite fille de mon hôtesse, un bébé de sept ans, m’entraîna un dimanche au fond du jardin pour me montrer une fourmilière à laquelle elle s’intéressait passionnément et à qui elle fournissait chaque jour des miettes de pain. C’était entre six et sept heures. Les fourmis étaient rentrées chez elles. Ne les voyant pas, elle s’écria toute désappointée :

— Oh ! j’avais oublié, elles sont à l’église naturellement !

Une idée semblable ne serait jamais venue à une enfant française.

Cet hiver, à Monte-Carlo, un dimanche après-midi, je me mis à essayer des carambolages sur le billard. Un petit Anglais de douze ans, avec qui je jouais souvent, se trouvait là. Il alla aussitôt prendre une queue avec l’espoir que je l’inviterais. Au moment même, sa mère arriva dans la salle et voyant qu’il tenait l’instrument à pousser les billes, elle lui mit la main sur l’épaule.

— Rappelle-toi, mon chéri, que c’est dimanche, dit-elle doucement.

L’enfant rougit jusqu’aux cheveux et, sans un mot de révolte, il replaça la queue. Afin qu’il ne s’imaginât pas que moi, une grande personne, j’enfreignais le commandement, je lui expliquai que notre religion nous permettait de jouer après les offices.

— Une religion agréable ! fit-il en mettant les mains dans ses poches avec ce mouvement qui, chez l’homme, exprime l’humeur.

Ce respect du dimanche, ainsi ancré dans le cerveau de l’enfant, se conservera à travers bien des aven-