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L'ILE INCONNUE.
                                                 Saint-Olaf.

On pourrait caractériser les Anglais comme le peuple aux dimanches tristes et les Français comme le peuple aux dimanches joyeux. De fait, le dimanche anglais ne ressemble à aucun autre. Pour moi, il constitue un vrai phénomène psychique. Le manque d'amusements ne saurait seul produire cet ennui pénétrant qui saisit l'étranger et dont il emporte l'impression. Il y a, dans l'atmosphère morale, une rigidité insolite qui rend la gaieté impossible. Inconsciemment, on parle plus bas, « on met une garde à ses lèvres » et on sent peser sur soi une influence occulte. Ne serait-ce pont l'âme des ancêtres puritains, des chanteurs de psaumes qui s’extériorise ce jour-là et répand dans l'air ambiant son intransigeance et sa dureté ? J'en ai peur. Les morts sont plus vivants que nous ne le croyons. Nous ne connaissons pas encore leur puissance ; elle est formidable. A cela, il faut ajouter cette mentalité religieuse « Ancien Testament » que J'ai reconnue chez nos voisins. Je me suis amusée souvent à comparer la sortie des églises d'Angleterre avec la sortie des églises de France. Ici, quand le temple ouvre ses portes, vous voyez paraître des gens raides et solennels. Ils se donnent d’automatiques poignées demain accompagnées d’un bref « how do you do ? », puis s'éparpillent silencieusement. Dans notre pays, la foule des fidèles est très animée. Les physionomies émettent une sorte de joie. On échange des sourires, des saluts, des nouvelles. On taille des bavettes aux