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Leurs discussions sur le libre échange, les syndicats ouvriers, l'invasion américaine, m'amusent infiniment ; elles me permettent d'apprécier le chemin parcouru. Hier, après avoir exposé à son antagoniste, d'une manière très nette, les aspirations de l'esprit moderne, le jeune homme, avec un joli mélange de tendresse et d'autorité, a ajouté :

— Mère, je ne veux pas vous laisser en arrière, je veux vous emporter avec moi, vous amener à partager mes idées, qui sont celles de l’époque présente.

Une instinctive protestation redressa le buste de madame Baring.

— Ah ! maintenant, ce sont les parents qui doivent partager les idées des enfants ! fit-elle avec ironie. De mon temps, c'était le contraire.

— Votre temps avait tort, répliqua Jack carrément. Il était en contradiction avec les lois de la nature. Les parents peuvent avancer, les enfants, eux, ne peuvent pas rétrograder. L'homme n'est pas un crabe, vous savez !

Edith baissa les veux pour cacher sa satisfaction, Philippe Beaumont rit franchement, Rodney rougit de plaisir et se mordit les lèvres. Rien de tout cela n'échappa à madame Baring. Elle promena autour d'elle le regard pathétique d'une personne qui se sent abandonnée. puis elle le reporta sur ce fils qui incarnait l'Angleterre nouvelle... et, peu à peu, sa physionomie s’adoucit, s'illumina, se détendit dans un sourire comme si elle eût compris et accepté l'inéluctable. Ce petit drame muet contenait une immensité de vie.

Dans cet idéal Loïtshall, aussi bien qu’à Saint-Olaf,