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L’ÎLE INCONNUE.

— Non, car j’ai trouvé dans la Bible des forces suffisantes pour traverser des épreuves plus dures et plus longues que la sienne.

— Il en est des créatures humaines comme des plantes, elles ont toutes des besoins divers. Aux unes, il faut plus de soleil ; aux autres, plus d’ombre.

— Les créatures de même race ne devraient pas avoir des besoins tellement différents.

— Mais chez la fille, il y a toujours le père.

Je sentis, plutôt que je ne vis, la rougeur, l’émotion, le saisissement que mes paroles hardies causèrent ; mes paroles de profondeur, comme les aurait appelées mon amie.

Il fallut quelques secondes à mon hôtesse pour se remettre.

— C’est vrai… dit-elle enfin… Édith est une Baring.

Un assez long silence se fit entre nous.

Les fiancés, qui avaient disparu, reparurent. La mère les suivit avec un regard où il y avait une certaine mélancolie et de l’étonnement toujours.

— Voudriez-vous revenir à ces pages-là ? lui demandai-je.

Jamais, sans doute, personne ne lui avait posé une question aussi intime. Elle en fut un peu suffoquée, puis elle finit par sourire.

— Revenir à ces pages-là… et devoir revivre toutes celles qui ont suivi !… Oh ! non… non, murmura-t-elle avec une nuance d’effroi.

— Alors, vous voyez… tout est bien.

Elle leva les yeux vers le ciel où apparaissaient les premières étoiles.

— Et tout sera mieux ! ajouta-t-elle doucement.