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L'ILE INCONNUE.

Les jeunes gens emmènent volontiers à Paris une petite femme quelconque, les hommes mûrs, la maîtresse sérieuse qu’ils cachent aux environs de Londres. On les rencontre sous les arcades de la rue de Rivoli, aux courses, dans les maisons de thé, dans les cafés-concerts. Ils ont l’air gauche et honteux comme tous les Anglais en rupture de respectabilité. Quand je rencontre ces couples de transfuges, je me dis : « Voici a week end. » Le mot français ne va pas à cette chose essentiellement anglaise.

Ces trente-six heures fatidiques de la fin de la semaine produisent de ce côté-ci de la Manche un formidable bouillonnement de vie, et sans crainte de se tromper, on peut assurer que c’est surtout le diable qui l’active non plus avec les bons vieux fagots d’autrefois, mais bien aAec de l’essence et du pétrole.

Le samedi après-midi et le lundi matin, il y a sur toute la surface de Tlle inconnue un chassé-croisé d’individus qui serait incompréhensible pour un savant de Mars ou de Jupiter chargé d’étudier les Terriens. Moi-même, aujourd’hui seulement, je me rends compte que toutes ces créatures, les unes emportées dans une machine à roues avec une valise ou une malle au-dessus de leur tête, les autres montant en chemin de fer, en bateau, ne sont que des agents de la vie dirigés inéluctablement vers des buts divers, chargés de transmettre des messages, de porter des paroles de paix ou de discorde, d’unir ou de désunir... que sais-je encore. Oui, je m’en rends compte, assez bien parfois. Alors, je les accompagne d’un œil émerveillé. Le pauvre petit romancier que