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LONDRES. 543

hommes entrer dans un salon sans leur chapeau. Pour nous, le maître de la maison a seul ce droit.

— Qu’est-ce qui vous parait plus convenable ? me demanda miss Talbot.

— Eh bien, les hommes du monde savent se faire une contenance de leur chapeau, ils tiennent même gracieusement ce disgracieux objet ; quant aux autres, ils en sont toujours embarrassés et le posent sur les meubles ou par terre. A dire vrai, j’aimerais mieux qu’ils le laissassent dans l’antichambre. Une autre chose m’a beaucoup frappée. Chez vous, la conversation devient rarement générale. Et, dans toutes les réunions, les gens se groupent sans façon, selon leurs affinités ou leur intimité. On cause par petites tables, pour ainsi dire. Le fleuretage doit y trouver son compte.

— N’en doutez pas, répondit M. Beaumont, notre timidité est un peu la cause de cela. Un Anglais exposera ses idées devant deux ou trois personnes, et devant une dizaine il restera muet comme une carpe.

— Ce « comment vous portez-vous ? » par lequel vous vous abordez et auquel vous répondez par un autre « comment vous portez-vous ? », me semble comique et me déconcerte toujours. Figurez-vous un malheureux étranger qui croirait que vous lui demandez des nouvelles de sa santé et qui prendrait la peine de vous en donner ?

— Cela m’est arrivé en province, en Angleterre même, dit Ruby. Nous disons « bonjour » à nos inférieurs, il a fallu trouver autre chose pour nos égaux, mais je conviens que celte salutation est stupide.