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L'ILE INCONNUE.

ces vingt-cinq dernières années. Il est immense. De madame Baring à ses enfants, il y a tout un siècle. Quand l’un ou l’autre laisse échapper une réflexion qui la choque, elle ne la relève jamais, elle se contente de l’accueillir par un silence réprobatif plus éloquent que des paroles.

J’ai surpris quelque chose de bien curieux. Edith, mue par son esprit très moderne, cherche instinctivement à mettre du momement dans l’arrangement des meubles, des bibelots, de la garniture de la table à écrire même. Elle éloignera un fauteuil du mur, placera, échelonnera en biais, plumes et crayons. Madame Baring passe… et obéissant, elle, à l’esprit d’autrefois, de ses doigts fins et fermes, elle remet tout en ligne droite ! Ces deux gestes vraiment psychologiques, qui se répètent à chaque instant, qui sont réflexes presque, me paraissent saisissants. Celui de madame Baring me représente un contrepoids, le contre-poids de la génération précédente doit exercer sur celle qui suit peut-être. Je rêve, moi, de parents montrant la voie et marchant en avant…

Bien que mon hôtesse soit plutôt froide, il y a entre elle et ses enfants un profond courant de tendresse. Rodney la taquine très drôlement. Il l’appelle souvent « mater » et, dans ce mot, il met une caresse qui n’échappe sans doute ni à son oreille ni à son cœur. Il pourrait » avoir une garçonnière à Londres, c’est uniquement pour elle qu’il vit à Wimbledon. Du reste, l’Anglais a une affection particulière pour sa mère Aeuve, une affection où il entre un instinct de protection.

J’ai appris avec un vif plaisir qu’à la mort d’un