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L'ILE INCONNUE.

leur que moi, étrangère, j’en ai été affectée jusqu’aux larmes. Les courriers énormes qui partent d’Angleterre chargés de ces lettres sur papier mince, si volumineuses et vont trouver les absents dans tous les coins du globe, prouvent suffisamment la force des liens de parenté.

Avons-nous vraiment plus que nos voisins le sentiment de la famille ? Eh bien, je ne le crois pas. Les Anglais aiment l’espèce dans leurs enfants, les Français aiment leurs enfants dans l’espèce. Ils s’aiment surtout eux-mêmes dans leurs enfants. Ils rembourrent plus douillettement le nid des petits afin de les y retenir longtemps. Ils ne s’efforcent pas de les préparer à la lutte, mais de la leur épargner. Dès leur naissance, ils s’occupent à paver leur roule. Ils songent à leur laisser autant de fortune que possible et pour cela ils économisent sur les choses nécessaires à leur hygiène et à leur santé. Au lieu de développer l’énergie qui les pousserait au loin, ils développent la sensibilité qui les retiendra au foyer. Cet amour-là manque de grandeur et il est absolument féminin dans sa prévoyance et sa sollicitude puérile. Chez nous, parents et enfants s’aiment à tort et à travers, avec entrain, aec passion même, mais sans grande sagesse. La familiarité a augmenté et le respect a diminué. Autrefois, les parents seuls tutoyaient les enfants et les enfants employaient ce joli « vous » qui établissait la juste ligne hiérarchique. Je voudrais qu’on le rétablît. Dans l’aristocratie, on a conservé l’usage ancien, et le fils baise encore la main de sa mère. Dans l’atmosphère rigide de la famille anglaise s’élabore le caractère, dans l’atmosphère