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SAINT-OLAF

vice, une magnifique pièce de roastbeef fut placée devant le jeune homme, une poularde garnie d’appétissantes papillottes de lard grillé devant madame Baring, le tout apporté sous de massifs couverts d’argent. Dans tous les intérieurs modestes, le maître et la maîtresse de la maison découpent. Une viande bien découpée est infiniment plus sa^"oureuse et c’est un art où nos voisins excellent. Après la viande et les légumes, toujours servis ensemble, vint Tentremets, — une tarte et un pudding, — ■ puis le fromage et le dessert. Comme vins, du sherry et du bordeaux.

Rodney Baring faisait vraiment bonne figure à la table maternelle. Sa carrure ne doit rien au tailleur,. j’en suis sûre. C’est l’Anglo-Saxon pur sang s’il en fût, très mâle, très gauche et très correct, avec des cheveux blond foncé, ardents à l’extrémité, des yeux bleu clair, des traits d’une extrême netteté. Son regard est limpide et tendre, mais la bouche aux lèvres rasées a une expression sévère et résolue. C’est la bouche d’un juge ou d’un homme d’État ; elle a tout de suite rivé mon attention. Le grand air a donné à sa peau fine ce joli hâle rosé que l’Anglais ambitionne secrètement, et que les femmes aiment.

Je m’appliquai aussitôt à apprivoiser ce beau garçon qui m’observait par-dessus le roastbeef avec un mélange de curiosité et d’inquiétude. Sa physionomie se rasséréna quand il m’entendit parler anglais. Je m’efforçai de l’engager dans la conversation par des questions indirectes, il y répondit d’abord d’un ton bref, je sentais sa résistance au bout de ma parole pour ainsi dire, peu à peu cependant elle diminua