Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée
9
SAINT-OLAF

jamais trouvés tels. Une vieille femme est meilleur juge de l’éducation des hommes qu’une jeune. Je suis ravie quand je puis faire la route avec un Britisher. Je sais que j’aurai une paire de bras complaisants pour me descendre mon sac ou quelqu’un pour me héler un porteur. Selon moi, le Français est plutôt grincheux. Il conserve longtemps l’agacement du départ. On le devine à ses mouvements saccadés, nerveux, à la façon dont il tapote ses poches afin de s’assurer qu’il n’a rien oublié. Il a toujours l’air de dire : « Je suis le monsieur que l’on n’ennuie pas. » Cette fois-ci, j’ai eu dans mon wagon deux Anglais et trois Français : un Times, un Morning Post, un Gaulois, un Matin, un Écho de Paris. Chacun des lecteurs avait bien la tête de son journal. Je m’amuse quelquefois à parier avec moi-même que telle ou telle feuille sortira de la poche de mes voisins et je perds rarement.

Il n’y a pas de route plus monotone que celle de Paris à Calais. J’attends avec une impatience enfantine l’apparition des bâtiments de la Société Anonyme des Ciments français. Ils m’attirent irrésistiblement. Leur ton crayeux, les étangs de chaux fumante, les êtres humains tout blancs, produisent un ensemble aride, morne, sans lumière, dont la vue m’étreint le cœur et me fascine. Les industries noires me paraissent moins tristes que les industries blanches.

Je ne sais si le voisinage de l’Angleterre se fait déjà sentir, mais non loin de Calais, sur le flanc d’une dune, on voit écrit en grosses lettres formées avec des cailloux : « Gloire à Jésus-Christ. » Se-