des figures de cauchemar couvertes de loques, dont la physionomie semble éteinte à jamais. Elles ne demandent rien à personne, elles ne paraissent même pas remarquer le milieu brillant qu’elles traversent. L’autre jour, j’en ai rencontré une, dont la robe, courte jusqu’aux chevilles, avait été festonnée et jaunie par la brûlure de quelque acide. D’où viennent-elles ces damnées de ce monde ? Dans quel enfer retournent-elles ?
Ne sont-elles pas poussées jusque-là
pour rappeler aux rassasiés, que non loin d’eux, il y a une région de la faim, car si la métropole anglaise a la puissance du nombre, elle en a aussi l’effroyable misère. Ce rappel, je suis heureuse de le dire, est toujours entendu par quelqu’un.
La rue, proprement dite, n’est point gaie à Londres comme elle l’est à Paris. Ici les gens ont une allure ferme et dure, le regard un peu fixe comme s’ils avaient des œillères. L’activité de la foule est soutenue, mais non joyeuse. Il y a trop de lignes droites dans les silhouettes. Les boutiques font l’effet de grands déballages. Rien de gracieux ou d’artistique ne repose les yeux, les fleurs mêmes sont présentées par des bouquetières lamentables ou grotesques.
A Paris, au contraire, la rue a un charme unique d’élégance et de féminité. Elle est bourdonnante, affolée toujours un peu, mal disciplinée, mais vibrante de mille choses. Elle a des merveilles de goût et d’art, des midinettes allègres, des voitures de fleurs en bordure de ses trottoirs. Elle invite à la flânerie, à la causerie et elle délasse curieusement.
J’aime cependant la rue de Londres. Son mouve-