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ment de ce nombre, répondit ma compagne avec un demi-sourire.

Une confidence semblable nous conduisit rapidement à l’intimité. Au cours de nos promenades quotidiennes, nous abordâmes tous les sujets, l’amour excepté, — une Anglaise évite d’en parler, sans y penser moins. Ces causeries nous rapprochèrent curieusement. Malgré la différence de nos âges nous devînmes amies, camarades presque. Miss Baring n’est pas une vieille fille, mais une demoiselle. On naît vieille fille et on reste demoiselle. Je reconnais en elle bon nombre des caractéristiques de la race anglo-saxonne : une horreur de la sentimentalité, l’admiration de la force, du tempérament, un grand empire de soi, un besoin d’activité. Le sport qu’elle pratique avec passion a conservé à son corps beaucoup de jeunesse, l’a musclée pour ainsi dire. Elle est remarquablement intelligente, mais non intellectuelle. Son histoire est celle d’une personne qui, par sa naissance, ses instincts, aurait dû faire le chemin en première classe et qui, faute de moyens, a été forcée de monter en seconde classe. Elle n’a jamais pu s’assimiler à ses compagnons de roule : elle est demeurée dans un isolement hautain et a été froissée tout le temps par leurs manières et leurs idées. Elle a heureusement deux frères qui mettent un intérêt dans sa vie. L’aîné est le secrétaire de son oncle, Sir Richard Baring, un des grands solicitor de Londres, le cadet est employé dans une compagnie minière au Canada. Quant à madame Baring, elle me paraît l’incarnation de cette ancienne respectabilité anglaise qui va se transformant de jour en