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l’île inconnue.

graphie aux Talbot, écrit à Ruby, vu son oncle, coniéré avec l’homme d’affaires de la famille. Tout cela n’avait pas laissé que de lui donner la conscience de sa nouvelle position. Bien qu’il se contînt admirablement, le son de sa voix, ses gestes trahissaient de temps à autre son exultation intérieure. Évidemment, il sentait qu’il avait fait un pas vers la fortune.

Après le dîner, nous nous promenâmes assez longtemps dans le jardin. Jamais il n’avait été aussi embaumé, jamais ses tilleuls, ses acacias, ses belles-denuit, ses roses n’avaient cédé aussi généreusement leurs parfums. Et la pensée que ses arbres, ses fleurs, ses oiseaux allaient passer en d’autres mains me causa une peine enfantine, un peu ridicule même. Nous rentrâmes pour prendre notre dernière « night cap », littéralement bonnet de nuit, la boisson que l’on prend avant de se coucher. Avec toutes les visions de grandeur, les images de maisons seigneuriales qui, depuis le matin, hantaient mon cerveau, la simplicité et la pauvreté de la bibliothèque me frappèrent. Elle ne me parut ni moins intime, ni moins charmante ; mais en regardant les deux jeunes gens, je fus obligée de convenir qu’elle était un cadre trop mesquin pour leurs figures aristocratiques.

Je me laissai tomber assez lourdement dans mon fauteuil.

— Les jeux de la destinée ne sont-ils pas bien curieux, dis-je alors. Ce matin, Edith, vous vous apprêtiez à aller à Londres pour faire l’acquisition d’un chapeau vert.

— Bleu, rectifia mon amie.