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l’île inconnue.

guère au-dessus des préoccupations de santé, de l’éternel sujet des déplacements ou de la question des domestiques. La plupart des femmes, jeunes et vieilles, ont heureusement la passion du sport et de la politique. Elles se tiennent au courant du mouvement athlétique, attendent les scores d’un champion favori, le résultat des principaux matches avec autant d’anxiété qu’un boursier la cote de la rente. Elles lisent les débats parlementaires avec une compréhension parfaite. Elles sont ardemment conservatrices ou libérales. Le chien de l'une refusera héroïquement le morceau de sucre offert au nom de Balfour, le chien de l’autre n’acceptera pas celui qu’on lui tendra au nom de lord Rosebery ; mais ces deux mêmes chiens sauront tomber sur le flanc et mourir « pour leur roi et leur pays ». Comme ils sont caractéristiques, ces petits traits-là !

Le bridge a mis deux ans pour arriver de Londres ici. Il y est bel et bien implanté. Des clubs se sont formés et l’hiver, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, on a des après-midi de jeu. La partie de cartes dans la journée ! Autrefois, un autrefois qui n’a guère plus de cinq ou six ans, on considérait cela comme un signe de mœurs relâchées, comme une sorte de péché. Nombre de vieilles dames protestent encore par leur abstention, mais elles ne sont plus en force.

Les Wimbledoniens se raccrochent désespérément à la métropole. Ils mettent déjà sur leur papier à lettres S. W. sud-ouest. Londres est sous-entendu. Cela donne à eux et aux autres l’illusion qu’ils en font partie. Le jour viendra, sans doute, où à leur satisfaction, ils pourront l’écrire en toutes lettres. A