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SAINT-OLAF.

Saint-Olaf.

J’avais entendu dire maintes fois en Angleterre, qu’il est plus facile de s’élever du ruisseau que de la banlieue, socialement parlant. Je croyais que c’était là un verdict de snobs. Eh bien, aujourd’hui, je m’en rends compte parfaitement. Dans un grand centre d’activité, l’intelligence, la volonté, la vie même peuvent porter un individu au haut de l’échelle et, une fois arrivé, ses qualités lui rendront encore l’assimilation possible. Dans la banlieue, tout est forcément médiocre et la médiocrité enlize davantage l’individu que la pauvreté. Londres est la Haute Eglise de la Société. Il a l’encens, des cierges, des fleurs, la banlieue en est la Basse Eglise. Sa mentalité bourgeoise crée autour d’elle une sorte d’isolateur qui la maintient en dehors du mouvement. Elle me donne l’impression d’une plage que les grandes vagues du large ne toucheraient jamais.

Les Wimbledoniens ne cessent de répéter : « Nous sommes de la banlieue, mais nous ne sommes pas banlieue. » Ils le sont peut-être moins qu’ailleurs, grâce à leur situation unique ; mais ils le sont. Ils vont entendre les pièces nouvelles, assistent aux grands concerts, lisent les derniers romans, visitent religieusement l’Académie de peinture, suivent la saison d’aussi près que possible. Malgré cela, ils ne parviennent pas à être de Londres. Ils ne sont pas la chose, comme on dit en argot américain. Leur atmosphère morale a une rigidité particulière, une honnêteté oppressante. Leurs conversations ne s’élèvent