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l’île inconnue.

qui se vante de pouvoir fournir depuis une souris blanche jusqu’à un éléphant blanc, depuis un écheveau de fil jusqu’à une femme ou un mari. On lui indique le nombre des invités, la somme qu’on veut dépenser. Il procure musiciens, chanteurs, diseurs, amuseurs de toutes sortes. Il se charge du buffet et du service. Un employé vient voir le jardin, on décide avec lui l’emplacement des accessoires. Au jour dit, les fourgons arrivent de Londres. En quelques heures, tout est organisé et la maîtresse de maison n’a plus qu’à recevoir ses hôtes. Avec la même célérité, tout s’enlève, tout disparaît. On invite toujours le soleil et on compte même sur lui. S’il joue le mauvais tour d’envoyer la pluie à sa place, on se réfugie dans les salons, on s’y empile et on ne s’amuse pas moins.

En France, les gens très riches peuvent seuls donner des « garden-parties ». Les bourgeois aisés fourniraient au besoin les fraises à la crème et le Champagne, mais ils manqueraient de pelouses. Les allées caillouteuses de leurs jardins mal tenus seraient un mauvais terrain pour ce genre de fête et ils y seraient grotesques.

Nos voisins ont plus d’amusements que nous et ils s’amusent moins. La gaieté française brille d’elle-même ; la gaieté anglaise est comme l’allumette, elle a besoin de frottement pour prendre feu… mais elle prend feu, je l’assure. De là cet insatiable besoin de réunions, de clubs, de déplacements qui nous étonne toujours.