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l’île inconnue.

tuerait tout sentiment chez eux aussi bien que chez nous et nous avons besoin de sentiment. C’est à la fois une force et un frein.

— Je vois… je vois, fit mon inlerlocutrice avec un air de compréhension.

— Je vais vous en donner la preuve, continuai-je : une jeune maman de ma connaissance, prise d’un beau zèle pour l’hygiène, enjoignit à la nounou de ne jamais embrasser son enfant tout en lui donnant les raisons de cette prohibition. Au bout d’une quinzaine, la pauvre nounou, les larmes aux yeux, lui dit textuellement ceci : « Madame me défend d’embrasser la petite et je ne peux m’y attacher, je préfère la quitter, je ne la soignerais pas de bon cœur. »

— N’est-ce pas un peu votre éducation qui vous rend ces démonstrations nécessaires ? me demanda madame S…

— Notre éducation ou notre âme, je ne sais. Le baiser, après tout, est un des moyens mystérieux dont la nature se sert pour faire naître et entretenir l’affection, l’amour quel qu’il soit. Il ne doit pas produire qu’un échange de microbes.

— Espérons que non, dit Edith en riant.

— Quand je suis sur le continent, dit madame S…, j’ai grand plaisir à causer avec les femmes de chambre. En Angleterre, cela serait impossible, n’est-ce pas, miss Baring ?

— Oh ! absolument. Je suis la première à le regretter. Quand nous serons chez nous, à Loftshall, mère et moi, nous pourrons être moins réservées avec les domestiques parce qu’ils sauront qui nous sommes. A Wimbledon, la moindre dérogation aux