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SAINT-OLAF.

filles de la province et de la campagne, qui viennent s’y engouffrer et s’y perdre. Les maîtres de maison ont au-dessus de leurs têtes un véritable foyer de corruption dont ils sont les premières victimes. — Pourquoi souffrent-ils cela ?

— Parce qu’ils ne peuvent pas l’empêcher. Nos architectes n’ont pas encore songé à créer un type d’habitation où l’hygiène morale et physique puisse être observée. En dessinant leurs plans, ils ne donnent pas une pensée à la santé, au bonheur des êtres qui doivent vivre entre les lignes qu’ils tracent. Il faudrait qu’ils fussent des hygiénistes, des physiologistes et des psychologues.

— Des gentlemen surtout, ajouta Edith.

— Oui, des gentlemen par l’éducation, sinon par la naissance. Ils pourraient alors contribuer grandement à l’amélioration de notre race. Nous manquons d’espace.

— Nous ne pourrions jamais être en contact avec nos domestiques comme vous l’êtes avec les vôtres, me dit madame S… Chez nous, l’appartement est intolérable à cause de cela.

— Je le comprends ; mais voyez-vous, nous, nous aimons nos serviteurs. Là encore se manifeste la différence de nos caractères. Nous tenons à leur bonjour, à leur bonsoir. Leurs regards, leurs sourires, leurs physionomies ouvertes, réchauffent l’atmosphère de la maison. Vous ne vous doutez pas à quel point ce rayonnement humain fait naître de la bienveillance d’un côté, de l’affection de l’autre. Vos domestiques sont disciplinés, les nôtres sont stylés. Ils ne supporteraient jamais l’étiquette anglaise. Elle