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l’île inconnue.

dînons à une heure et demie le dimanche, uniquement pour laisser plus de liberté à nos domestiques ; eh bien, la cuisinière vient de me signifier qu’elle se refusait à cuire de grosses pièces de viande ce jourlà parce qu’elle n’aimait pas à avoir les joues rouges pour se promener avec son amoureux. Comment trouvez-vous cela ?

— Délicieux ! m’écriai-je en riant de bon cœur. Et que lui avez-vous répondu ?

— Qu’elle pouvait se chercher une autre place, naturellement. Ces horribles créatures empoisonnent notre vie, ajouta madame S… avec colère. Est-ce qu’une chose semblable arriverait en France, je vous le demande un peu ?

— Non, non, assurément ; mais dans notre pays, on commence à se plaindre terriblement des domestiques. Le luxe, la vanité, l’amour du plaisir ont augmenté partout. La religion a diminué dans les basses classes, leur conscience n’est pas encore formée, il en résulte un joli manque d’équilibre. C’est le fait de l’époque de transition où nous ivons. Rien n’est encore à sa place. Chez nous, maintenant, les bons maîtres seuls ont chance de trouver de bons domestiques, mais ils en trouvent.

— Je voudrais que nous en pussions dire autant, fît miss Baring.

— Une de mes amies, reprit madame S…, m’a raconté qu’à Paris, valets de chambre et femmes de chambre étaient logés au sixième étage et qu’ils se pervertissaient les uns les autres, est-ce vrai ?

— Parfaitement vrai. Et ce sixième étage exerce une irrésistible fascination sur une foule de jeunes