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SAINT-OLAF.

perdant parfois dans quelque abîme et ressortant plus loin, calmé mais triomphant et, malgré tout, arrivant à l’océan… à l’infini.

Saint-Olaf.

Au cours d’une de nos conversations, il m’arriva de dire à miss Baring que j’avais toujours de la peine à m’habituer au service muet et glacial des domestiques anglais. Hier matin, la fille de chambre est entrée chez moi avec un visage ému et nerveux, elle m’a regardée d’un air de détresse comique, puis passant son broc de la main droite dans la main gauche et rougissant violemment :

— Bonjour, madame, m’a-t-elle dit en français. J’eus l’air surpris et charmé.

— Bonjour Rose, ai-je répondu en souriant.

Edith lui avait expliqué que chez ces êtres extraordinaires qui demeurent de l’autre côté de la Manche, il est d’usage de souhaiter à ses maîtres le bonjour et le bonsoir. Elle lui avait enseigné à me saluer en français, soi-disant pour m’être agréable ; en réalité, je le soupçonne, pour que l’incorrection fût moins grave et moins dangereuse.

Dans ce pays, il n’y a rien de plus caractéristique que les relations entre maîtres et serviteurs. En France, en Italie, dans l’aristocratique Autriche même, les domestiques font partie de la famille ; en Angleterre, ils font partie de la maison seulement. Ils y sont cependant mieux logés, mieux nourris, mieux traités que partout ailleurs. Ils ont des chambres propres et saines, on ne néglige rien pour leur