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SAINT-OLAF.

Savez-vous que je considère le Champagne comme un important agent matrimonial de la nature en Angleterre ?

Mes hôtes se mirent à rire, puis la physionomie d’Edith reprit aussitôt son sérieux.

— Un agent qui a fait souvent de tristes mariages, dit-elle, sous son influence des jeunes gens, de véritables enfants, ont donné le nom de leurs pères, des noms qui appartiennent à l’histoire, au pays même, à des créatures indignes. La noblesse lui doit une grande partie des brebis galeuses qui sont entrées dans ses rangs.

— Évidemment, ajouta Rodney, la liberté dont nous jouissons est mauaise pour les faibles, pour certains jeunes idiots, mais qu’importe l’individu, le principe seul doit compter.

— Vous avez mille fois raison. En Angleterre, on considère le bien de la masse avant celui de l’individu ; en France, c’est le contraire. Savez-vous qu’à soixante ans nous sommes obligés, pour nous marier, d’avoir le consentement de nos parents ou de fournir leur acte de décès ?

Dans sa suprise, Rodney reposa le verre qu’il portait à ses lèvres.

— Ce n’est pas possible ?

— Absolument. On a un Code ou on n’en a pas ! Et les formalités, les démarches, les paperasses, le mariage civil, le mariage religieux ! Un garçon d’hôtel, un Suisse qui voulait épouser une Française m’a dit un jour : « Il faut être vraiment honnête pour ne pas se passer du maire et du curé. » Son honnêteté lui a coûté trois mois d’attente et deux cents francs