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l’île inconnue.

catastrophes intimes, de déceptions cruelles, de cœurs brisés.

— Je sais, oh ! je sais, c’est inévitable ; mais les cœurs brisés avant le mariage, ça se raccommode, tandis qu’après, brr ! Non, voyez-vous, je n’ai jamais si bien apprécié le bonheur d’être une libre Anglaise.

Puis avec un sourire de gamine :

— Quel choc tante Lucie et madame Nerwind auront demain en me voyant revenir fiancée !

— Dites moi, est-ce que vous ne vous doutiez pas un peu que Rodney allait vous poser la question de confiance ? Là, n’induisez pas en erreur un pauvre romancier qui cherche à s’instruire.

Un ton de rose vif s’épandit sur le visage de miss Talbot.

— Oui… oui, j’en ai eu le pressentiment… Cependant quand Edith est venue pour m’emmener à Saint-Olaf, mon premier mouvement a été de refuser.

— C’est cela… l’instinct féminin de la résistance.

— Et puis, le second mouvement m’a amenée. Ce devait être pour aujourd’hui, paraît-il, la question de confiance, comme vous dites, ajouta Ruby en sautant lestement sur ses pieds.

— Eh bien, j’espère que cet aujourd’hui sera le commencement d’une longue, longue chaîne de jours heureux.

Comme je formulais ce souhait, mon regard rencontra un gros point lumineux sous les arbres qui bordaient la pelouse inondée de lune.

— Tenez, dis-je, voici Rodney qui fume là-bas devant sa hutte le cigare du bonheur.

— Dear boy !