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SAINT-OLAF.

Puis croisant ses doig :. autour de ses genoux :

— Rodney m’accompagnera demain à Londres ; de là, il ira à Arundel voir mes parents. Pierre de Coulevain, ne soyez pas choquée, c’est ainsi que cela se pratique dans mon bien-aimé pays. L’amour n’est pas permis aux jeunes filles en France, hein ?

— Non, pas encore.

— Oh ! comme je les plains ! s’écria naïvement Ruby. Le temps des fiançailles doit être le plus beau de la vie ! Et si l’amour ne vient pas après le mariage ?


— Dame ! il ne reste que la résignation, le devoir, l’héroïsme ! Il faut de cela aussi, vous savez.

Miss Talbot eut une grimace expressive ; ces vertus lui semblaient amères sans doute après la douceur qu’elle venait de connaître.

— Et puis, épouser un monsieur choisi par d’autres, un inconnu ? non, merci ! C’est à faire dresser les cheveux sur la tête. Je peux à peine le croire possible. Chez nous, les mariages arrangés tournent presque toujours mal, n’est-ce pas, Edith ?

— Oui, plutôt.

— Selon moi, continua Ruby avec un joli sérieux, l’amour qui a des racines profondes, jusque dans la petite jeunesse, a plus de chances de durer. Tenez, il me semble qu’on peut très bien cesser d’aimer un homme dont on s’est épris tout d’un coup ; mais cesser d’aimer un ami d’enfance avec lequel on a un tas de souvenirs communs, c’est impossible.

— D’accord. Cependant cette camaraderie qui est dans vos mœurs, que la campagne, le sport favorisent,

n’est pas sans danger. Elle produit bon nombre de

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