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l’île inconnue.

nelles que les vôtres. Il me semble que le mariage doit naître de l’amour et non l’amour du mariage.

— lié ! hé ! vous devez tenir compte de la différence des tempéraments. Celui de l’Anglais veut du connu, celui du Français veut de l’inconnu. Le Français possède une faculté maîtresse et insatiable, l’imagination. A cette faculté, il faut, coûte que coûte, des aliments, l’inconnu peut seul lui en fournir. Chez nous, le bonheur conjugal a plus d’imprévu, d’idéalité, de nuances que chez vous.

— Vous croyez ?

— Les confidences de bon nombre de vos compatriotes m’ont édifiée là-dessus. Si nous en jugeons d’après les résultats, il y a, en France, moins d’unions malheureuses que partout ailleurs.

— Oh ! exclama mon amie, avec une intonation d’incrédulité.

Un petit coup discrètement frappé mit un point à cette phrase, ma porte s’entre-bâilla et la tête de Ruby parut.

— Puis-je entrer me faire congratuler ? demandal-elle d’une voix joyeuse.

— Entrez, entrez, répondis-je avec empressement. Elle s’avança toute rayonnante.

— Je vous félicite de grand cœur, dis-je alors.

— Vous le pouvez, car je suis si heureuse ! déclara-l-elle en serrant fortement les deux mains que je lui avais tendues.

— Eh bien, asseyez-vous et causons un peu de ce grand bonheur.

Elle se laissa glisser sur le tapis.

— Voici, dit-elle.