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l’île inconnue.

Comme elle achevait ce mot, son frère passa brusquement, joyeusement, son bras sous celui de Ruby, et tous deux disparurent derrière le tournant du chemin.

— Il s’est déclaré sûrement, dit miss Baring, nous allons bien deviner la réponse.

Quand nous arrivâmes au bateau, notre curiosité fut pleinement satisfaite. Nos regards rencontrèrent deux visages indûment colorés. L’un rayonnant de triomphe, l’autre de bonheur.

— Ruby va prendre le gouvernail maintenant, dit Edith, avec un sourire un peu forcé. Je ne serai pas fâchée de me reposer.

Rodney acquiesça avec une promptitude qui dût contracter le cœur de sa sœur.

Le retour fut plutôt silencieux. Cette petite barque humaine qui filait si rapidement était chargée à pleins bords d’amour, de joie, d’espérances, de regrets, de ces choses invisibles, intangibles, qui comptent seules cependant. J’en eus conscience pour une brève minute et comme toujours cette sensation de la profondeur réelle de notre vie me donna le frisson du vertige.

Vers six heures et demie, nous étions à Saint-Olaf. Les jeunes gens se rendirent tout droit chez madame Baring, puis j’entendis leurs voix joyeuses appeler Edith. J’en conclus que la confidence était faite.

Lorsque je descendis pour le dîner, je trouvai mon hôte au salon, le dos à la cheminée remplie de verdure. Ses yeux vinrent à moi avec une expression à la fois triomphante et timide… puis souriant :