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SAINT-OLAF.

devants. D’un accord tacite, nous ne les suivîmes que de loin. Comme nous débouchions dans un sentier bordé de haies, je m’arrêtai saisie et charmée. Tout au bout, contre Thorizon, sous un hêtre large et bas, dans un décor d’un vert intense, se dessinaient nettement les silhouettes blanches des deux jeunes gens. Les rayons du soleil concentrés par une brume légère leur faisaient un fond d"or chaud. Ils étaient là, face à face… elle, les mains derrière le dos, écoutait… et lui… ah ! lui, il répétait sans doute les mots éternels que la nature a donnés à l’homme pour ses conquêtes d’amour.

— Tenez, fis-je étourdiment, voilà la scène humaine qui a dû fournir au poète de la Genèse la légende symbolique de l’Éden.

— Quelle idée ! se récria miss Baring. Ils ne sont pas sous un pommier, j’espère !

— Non, rassurez-vous, sous un vénérable hêtre anglais et ils sont vêtus ; mais ils ne reproduisent pas moins le tableau primordial, retouché, affiné et perfectionné,

— Ah ! Pierre de Coulevain ! ne soyez pas si française, si profane !

A ce moment, nous vîmes Rodney placer ses deux mains sur les épaules de sa compagne.

— J’espère qu’il ne va pas l’embrasser ! dit Edith avec une inquiétude drôle.

— On s’embrasse beaucoup en plein air dans vos romans, au fond des parcs seigneuriaux aussi bien que sur les « stiles ».

— Il n’y a pas que dans les romans, je le crains.