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l’île inconnue.

ce petit arrangement-là ? À ma première visite en Angleterre, il y a bon nombre d’années, hélas ! je les enjambais lestement, moi aussi, les stiles ! La manœuvre est plutôt difficile maintenant. C’est sui ces « stiles » marches que les amoureux de la campagne se donnent rendez-vous pour causer à l’aise. Elles en entendent, des serments ! Si les baisers dont elles sont témoins chaque jour venaient à les allumer comme dans une féerie, il y aurait au crépuscule des points de feu sur toute l’Ile Inconnue. Quelle jolie illumination !

Lorsque nous eûmes poussé le portail de Cosy Farm, suivi pendant quelques minutes un petit sentier montant bordé d’arbres fruitiers, nous arrivâmes devant la maison. Deux terriers se précipitèrent à notre rencontre en aboyant follement, un collie se leva avec dignité, un chat angora gris, réveillé en sursaut, arrondit son dos, un couple de pigeons s’envola, et une femme en chapeau de soleil, qui faisait la toilette aux plantes grimpantes du porche, se retourna vivement et, après une exclamation joyeuse, accourut au-devant de nous. On me présenta. Miss Norcroft me tendit la main et me dit quelques paroles de bienvenue. Puis enlevant sa hideuse coiffure, elle me laissa voir un visage aux traits menus, irréguliers, avec un petit nez, une large bouche souriante, des yeux bruns très vifs et très intelligents. Sa robe courte, de drap gris foncé, sa chemisette de percale, sa cravate bien nouée, lui donnaient un air d’extrême netteté, de jeunesse même, bien qu’elle eût près de trente-cinq ans. Et cette fermière était une dame, il n’y avait pas à s’y tromper.