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SAINT-OLAF.

de souvenirs et de choses. Pendant la montée de la rivière, j’avais remarqué que miss Talbot faisait de l’ombre avec son parasol autour de la tête nue du jeune homme. Aussitôt le bateau amarré, elle l’obligea à mettre sa cravate de flanelle et sans en avoir l’air… avec un instinct bien féminin, elle lui servit les meilleurs morceaux. Involontairement, je comparai cette manière d’agir avec celle de l’Américaine. Une Américaine ! Elle eût tyrannisé le malheureux garçon toute la journée, tiré de lui toutes les satisfactions possibles sans jamais donner une pensée à son confort ou à sa santé. Ruby est vieux jeu, vieux monde. Le nouveau jeu et le nouveau monde sont plutôt cruels aux hommes.

Après un déjeuner assez prolongé, nous redescendîmes la Tamise et, vers trois heures et demie, nous mîmes pied à terre sur la rive droite pour nous rendre à Cosy Farm, qui se trouvait à un kilomètre de là. On m’y conduisit par un de ces chemins étroits bordés d’arbres et de hautes haies, véritables allées de verdure qui sont une des beautés de la campagne anglaise. Nous dûmes ensuite franchir quelques « stiles ». Les « stiles » ! Ah ! cela vaut une explication. Beaucoup de propriétaires sont obligés, sous peine d’impopu » larité, d’accorder le droit de passage à travers leurs champs. Ces champs, cependant, demeurent fermés par une porte à claire-voie ou une barrière quelconque qui maintient leur droit imprescriptible. La porte est cadenassée, la barrière fixe, mais vous pouvez les enjamber et, à cet effet, il y a quelques marches de chaque côté… deux, trois, selon la hauteur. Est-ce assez caractéristique de l’esprit anglais.