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l’île inconnue.

dans une grande prairie m’arracha une exclamation de surprise.

— Qu’est-ce que cela ? demandai-je.

— Un camp de gentlemen, me répondit M. Baring… de gens qui ont besoin de plein air, de nourriture simple, de vivre un peu à la dure enfin. Voilà où ramène l’excès de la civilisation.

Les tentes étaient en toile grise, plutôt hautes et de forme élégante… Quelques-unes avaient comme décoration de gros bouquets de fleurs des champs. Les nomades amateurs lunchaient en joyeuse compagnie. Il y avait là bon nombre de blouses blanches et de chapeaux féminins… et on ne s’ennuyait pas, je gage.

— Le drapeau français ! m’écriai-je, apercevant tout à coup nos couleurs dans ce camp de Britishers, si je m’attendais à le trouer là !

— Eh bien, « hurrah » pour la France ! fit gaiement Rodney.

À cet instant, un canot monté par deux jeunes gens croisait le nôtre, l’un d’eux leva son chapeau et nous sourit. C’était le propriétaire de la tente, sans doute. Il avait entendu et remerciait. Je fus ravie de cet échange de politesses.

Nous déjeunâmes à l’ombre d’un grand saule, dont les branches retombantes formaient un rideau autour de nous. Le repas fut égayé par les taquineries de Rodney et les ripostes brillantes de Ruby. Sous l’amour qui mettait de jolies lueurs dans leurs yeux et créait entre eux de petits silences émus, il y avait comme un sentiment ancien, fraternel et profond, on sentait que leurs vies étaient liées par une infinité