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SAINT-OLAF.

sance, ne serait pas plutôt une affirmation de leur pouvoir de mâles ? J’en ai peur ! Ne donnent-ils pas aussi le féminin à un seul animal, au chat, qui a des griffes et une réputation de traîtrise ? Ce fait m’empêche de croire à leur galanterie. N’importe, ils aiment profondément leurs bateaux et le « elle » est bien joli.

Edith s’assit au gouvernail, sa place habituelle ; son frère saisit les avirons et nous partîmes. L’Anglais de race n’est jamais aussi bien qu’en frac et qu’en tenue de sport. Dans son costume de flanelle blanche, Rodney retenait toute son élégance de gentleman. Il était superbe dans le déploiement de sa force, et quel coup de rame ! moelleux, léger et puissant ! Il me donna cette sensation de rythme parfait que l’on éprouve dans la gondole seulement. Les bords de la Tamise, moins pittoresques que ceux de la Seine, sont remarquablement jolis. En certains endroits, le fleuve est très large et d’une profondeur qui le rend dangereux. Malgré le beau soleil, j’ai eu pendant toute la promenade une impression de nord. Le paysage anglais, dont les tons verts, gris et jaunes sont absolument fondus, n’a pas cette allégresse de couleurs qui rend le paysage français si riant, le bleu lui manque. Les écluses nous obligèrent plusieurs fois à mettre pied à terre, et je remarquai l’expression intense avec laquelle tous les canotiers suivaient le passage de leurs bateaux respectifs, le plaisir qu’ils paraissaient prendre à la manœuvre parfois difficile et compliquée.

Un peu avant d’arriver à l’endroit choisi pour le déjeuner, la vue d’une vingtaine de tentes dressées