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l’île inconnue.

lady peut exercer le plus humble des métiers sans déchoir.

— Assurément, répondis-je avec conviction. Nous avons fait une révolution qui a aidé au progrès du monde entier, renversé je ne sais combien de trônes et nous n’avons pas réussi à secouer un tas de préjugés ridicules. En France, le travail déclasse encore la femme autant que le vice.

— Oh ! il en était ainsi chez nous, il n’y a pas plus d’une quarantaine d’années, dit madame Baring avec sa stricte justice. Et puis il s’est fait tout à coup une évolution dans les idées, dans la manière de voir, une évolution si rapide que j’ai quelquefois de la peine à m’y reconnaître, ajouta-l-elle avec un petit sourire pathétique.

— Nous avons maintenant, des dames modistes, couturières, gouvernantes, cuisinières même, dit Ruby d’un ton moqueur.

— Oui, mais la plupart ne sont que des farceuses, fit Rodney.

— En tout cas, miss Norcroft est sérieuse, elle î

— D’accord.

Tout en causant, je ne cessais d’observer miss Talbot, sa physionomie intelligente et spirituelle trahissait une grande sensibilité ; dans son geste cependant, dans son attitude, il y avait de la volonté, de la fermeté. Je fus bien vite convaincue qu’elle aimait Rodney. A l’entremets, elle lui offrit de certaine tarte aux groseilles placée devant elle. Il n’eut garde de refuser, et elle lui en coupa délicatement un morceau. La femme de chambre lui passa l’assiette, mais elle, l’accompagna du regard comme pour le servir